Page:Poe - Histoires extraordinaires (1869).djvu/419

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principe de son ardent, de son sauvage regret de cette vie qui fuyait maintenant si rapidement. C’est cette ardeur désordonnée, cette véhémence dans son désir de vie, — et de rien que la vie, — que je n’ai pas la puissance de décrire ; les mots me manqueraient pour l’exprimer.

Juste au milieu de la nuit pendant laquelle elle mourut, elle m’appela avec autorité auprès d’elle, et me fit répéter certains vers composés par elle peu de jours auparavant. Je lui obéis. Ces vers, les voici :


Voyez ! C’est nuit de gala
     Depuis ces dernières années désolées !
Une multitude d’anges, ailés, ornés
     De voiles, et noyés dans les larmes,
Est assise dans un théâtre, pour voir
     Un drame d’espérance et de craintes,
Pendant que l’orchestre soupire par intervalles
     La musique des sphères.

Des mimes, faits à l’image du Dieu très-haut,
     Marmottent et marmonnent tout bas
Et voltigent de côté et d’autre ;
     Pauvres poupées qui vont et viennent
Au commandement de vastes êtres sans forme
     Qui transportent la scène çà et là,
Secouant de leurs ailes de condor
     L’invisible Malheur !

Ce drame bigarré ! oh ! à coup sûr,
     Il ne sera pas oublié,
Avec son Fantôme éternellement pourchassé
     Par une foule qui ne peut pas le saisir,
À travers un cercle qui toujours retourne