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LA COMMISSION DU SÉNAT

nement appelé à une brillante destinée parlementaire. Écrivain délicat, éblouissant causeur, orateur entraînant, aussi habile au jeu de l’ironie qu’au maniement des idées générales, il ajoutait parfois à la multitude de ses dons une souriante indécision, qui pimentait d’un peu de coquetterie sa séduction naturelle. Je le pris au collet et il me donna son adhésion.

Tous les postes ainsi pourvus de titulaires éventuels, rien n’était fait, si nous ne nous mettions immédiatement d’accord sur le programme que j’entendais soutenir. Croyant plus sage de ne pas renvoyer au lendemain la conversation nécessaire, j’exposai, en quelques mots, les principes essentiels qui devaient, suivant moi, diriger notre politique : grouper pour une œuvre d’ordre intérieur et de paix extérieure toutes les fractions du parti républicain : assurer, le plus rapidement possible, l’adoption par le Sénat du traité voté par la Chambre ; le compléter par une entente avec l’Espagne ; organiser progressivement au Maroc un protectorat qui serait la conclusion logique de notre politique africaine ; entretenir avec l’Allemagne, comme avec toutes les autres puissances, des relations sincèrement pacifiques ; cultiver notre alliance avec la Russie et notre entente avec l’Angleterre ; au dedans, donner aux fonctionnaires un statut fixe qui leur traçât clairement leurs droits et leurs obligations ; garantir aux partis politiques, par la réforme électorale, une représentation plus exacte ; vouloir que l’école laïque demeurât une école nationale ouverte à tous les enfants de France et constamment respectueuse de la liberté de conscience ; développer les œuvres sociales, substituer de plus en plus le