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LA COMMISSION DU SÉNAT

Le lendemain jeudi, dans la matinée, les ministres se réunissaient en conseil de cabinet, sous ma présidence, au quai d’Orsay. Inaugurant une méthode que j’ai constamment suivie depuis lors, je les tins au courant des moindres détails des affaires extérieures. Je fus pleinement approuvé d’avoir réclamé la mise en liberté du Carthage. Il fut décidé, d’autre part, qu’une commission interministérielle, composée de MM. Regnault, ministre de la République au Maroc, Conty, Guiot, Privat-Deschanel, Mauclère, Sergent, Luquet, et des lieutenants-colonels Mangin et Hamelin, allait préparer, sans retard, en exécution du traité du 4 novembre, l’établissement du protectorat français au Maroc.

L’après-midi, changement de décor. J’assistais, comme chancelier, à la séance de l’Académie. M. de Mun, directeur, malmenait assez vivement le récipiendaire, mon ami M. Henri de Régnier. Mais ma pensée était ailleurs. Le gouvernement italien avait répondu à M. Legrand qu’il avait la certitude que l’aviateur, M. Duval, avait signé un contrat avec la Porte et que l’appareil était destiné aux troupes turques de Tripolitaine. Il avait, en conséquence, demandé le dépôt de l’aéroplane à Cagliari, « moyennant quoi, ajoutait-il, le paquebot pourrait continuer sa route, la question des responsabilités restant à débattre ultérieurement ».

Sur ces entrefaites, le père de M. Duval était venu spontanément déclarer au ministère que jamais son fils n’avait eu l’intention de mettre son appareil au service d’un belligérant ou d’une nation étrangère et qu’il se proposait simplement de faire des vols en Tunisie et en Égypte. Je transmis au gouvernement italien les assurances de