Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/52

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M. Duval et je maintins notre réclamation. Le vendredi 19, le Carthage n’était pas relâché. Bien plus, le Manouba, de la Compagnie de navigation mixte, qui transportait la mission hospitalière ottomane et qui assurait le service postal de Marseille à Tunis, avait été saisi, à son tour, au sud de la Sardaigne et amené à Cagliari. Les autorités italiennes prétendaient, comme M. Tittoni, que les vingt-neuf Turcs étaient des officiers déguisés en médecins et en infirmiers. Le mécontentement provoqué par cette double saisie gagnait les Chambres et la presse. « Il ne s’agit plus d’un accident, écrivait M. Tardieu dans le Temps. Il s’agit d’une thèse internationale, absolument inadmissible, qui produit à Londres une impression aussi fâcheuse qu’à Paris. » La plupart des journaux s’exprimaient dans le même sens. Le samedi, sur la foi des déclarations de M. Duval, le gouvernement italien se décida à laisser partir le Carthage avec l’aéroplane. Mais il émit, en même temps, la prétention de garder prisonniers les Turcs du Manouba. Au Conseil des ministres du matin, présidé par M. Fallières, la séance avait encore été, en partie, consacrée au règlement de ces deux malheureuses affaires. Nous avions été unanimes à penser que nous devions insister pour la mise en liberté des Turcs. J’avais transmis à Rome et à Cagliari les renseignements fournis par l’ambassade ottomane et par la Compagnie de navigation mixte, à l’effet d’établir que les passagers étaient bien membres de la mission du Croissant rouge et, à ce titre, inviolables. Mais, comme par hasard, le télégramme chiffré que j’avais envoyé à Cagliari y était arrivé brouillé ; notre consul dut m’en demander la répétition. Dans l’intervalle, le gou-