Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 1, 1926.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que jusque-là je n’avais pas souvent rencontrés devant les miens, une première lueur de sympathie. Une circonstance favorable nous permit bientôt, à M. Tittoni et à moi, de célébrer ensemble, dans une manifestation publique, l’amitié de nos deux pays. La ligue franco-italienne avait eu l’idée de glorifier à la Sorbonne la mémoire du précurseur de l’aviation, de l’inventeur du « plus lourd que l’air », de Léonard de Vinci ; et l’ambassadeur, enfin convaincu de la sincérité de nos sentiments, s’était volontiers prêté à cette démonstration. Elle eut lieu le jeudi soir 4 juillet, avec beaucoup d’éclat.

Des discours furent prononcés par MM. Gustave Rivet, Gabriel Séailles, Raqueni, Tittoni et par moi. Après avoir parlé peu ou prou de Léonard, tous les orateurs exaltèrent, bien entendu, l’union latine. J’avais moi-même commencé par rendre hommage à « l’éminent diplomate qui, avant de représenter en France le gouvernement royal, avait dirigé, avec tant de talent et d’autorité, la politique extérieure de son pays. » Puis j’avais, comme les autres, esquissé un portrait de l’illustre enfant de la petite ville de Vinci : « Un grand artiste qui est, disais-je, un philosophe et un savant et qui résume en lui toutes les curiosités et toutes les aspirations de l’humanité, une intelligence divinatrice qui devance les siècles et pénètre l’avenir, un esprit à la fois imaginatif et précis, dont l’unité puissante est faite d’harmonie dans la variété, un homme qui, né sur les pentes du mont Albano, grandi sous le ciel de Florence, vient mourir en Touraine, au milieu du doux jardin de la France, comme une fleur de lis rouge qui s’effeuille sur le sol gaulois, n’est-ce pas là, par