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LA COMMISSION DU SÉNAT

excellence une figure représentative et symbolique, où se trouvent réunis, dans le plus gracieux assemblage, les traits des deux sœurs latines ? » Je rappelais les études de Léonard sur le vol des oiseaux, ses étonnantes intuitions de physicien, ses dessins de Valenciennes, son idée de gravir près de Fiesole le mont des Cygnes, pour s’élancer du sommet dans les airs, au-dessus de la campagne florentine, et surtout le projet qu’il avait formé, peu de temps avant sa mort, de relier par un canal la Loire à la Saône, la Touraine au Lyonnais, de faciliter ainsi les communications entre la France et l’Italie et de rapprocher, dans un geste suprême, son pays natal et le pays dont il était l’hôte respecté. « C’est, concluais-je, un heureux présage que de voir apparaître, à l’aurore des temps modernes et sous les auspices de Léonard, les premiers signes de l’amitié qui viendra, au dix-neuvième et au vingtième siècles, ajouter à la parenté des deux nations un lien volontaire et infrangible. » M. Tittoni, à qui j’avais communiqué mon discours, me répondit par des compliments qui faisaient pâlir les miens et continua en opposant aux vanités de mon sentimentalisme quelques considérations positives.

« Vous avez affirmé, monsieur le président du Conseil, l’amitié entre la France et l’Italie, comme autrefois vous avez fait allusion aux liens de parenté et d’affinité qui unissent les deux pays. Les affinités de race, d’idiome, de souvenirs, d’habitudes et de goût ont déjà créé de nombreux rapports entre la France et l’Italie depuis le seizième siècle… Mais ces affinités, à elles seules, sont quelquefois une base trop fragile pour l’amitié des nations. Je m’empresse pourtant de constater que