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LA VICTOIRE

troupes débarquent lentement ; l’armée Gough n’a pas de réserves. Même, aux environs de Montdidier, il n’y a que des éléments de troupes. Les Allemands, il est vrai, n’avaient pas grand monde hier, mais ils peuvent en avoir davantage aujourd’hui. Foch considère qu’il y aura encore trois ou quatre jours très durs à passer. Il espère cependant sauver Amiens. Loucheur trouve Pétain et Debeney bien engagés dans le mouvement qui leur a été donné. Pétain constitue même une nouvelle armée avec Micheler à sa tête et comme chef d’état-major Dhé, qui était auprès de Loucheur. Pétain accepte de très bonne grâce toutes les directives de Foch.

Ce sera, d’après Loucheur et d’après Foch, dans une quinzaine de jours que viendront les moments les plus difficiles. Les Allemands, même après s’être stabilisés, remonteront une attaque nouvelle. Ils disposeront encore de trente ou quarante divisions et nous n’aurons plus de réserves. Il faudrait alors engager la totalité de la classe 18 et ensuite hâter, pour les mois suivants, les arrivées américaines.

Loucheur se dit entièrement d’accord avec Foch sur l’impossibilité de laisser couper les deux armées et sur la nécessité de couvrir Paris.

Millerand voudrait que Foch fût nommé effectivement général en chef. Il trouve que Pétain est mieux à sa place au second plan. Il croit qu’à la rigueur on pourrait continuer la guerre après la coupure des armées et même après la prise de Paris, mais il est bien d’avis qu’il faut tout faire pour conjurer ces deux éventualités. Il voudrait qu’on attaquât en Italie. À ce sujet, j’ai appris par Loucheur qu’on avait décidé hier qu’on ramènerait quatre de nos divisions d’Italie. C’est beaucoup. Il est possible que l’Italie soit attaquée et, seule, elle ne pourra résister.