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EXCELLENT MORAL DES TROUPES


Vendredi 29 mars.

À dix heures du matin, Clemenceau vient me trouver. « Je viens, me dit-il, vous rendre compte de mon voyage d’hier ; je suis très satisfait ; cela commence à se colmater. J’ai vu des troupes admirables ; Foch est en très bonne forme et, par bonheur, Pétain est venu le voir hier et il est arrivé pendant que j’étais là, ce qui nous a permis de causer ensemble. Pétain a déclaré : « Je comprends ce que veut le gouvernement ; je mettrai toute mon armée à la disposition du général Foch. » Pétain est donc maintenant dans un excellent esprit. Foch doit voir Haig aujourd’hui et il compte obtenir de lui que son armée se charge en partie de la défense d’Amiens. À ce propos, je voulais vous dire : Vous avez su que le roi d’Angleterre est arrivé à Calais et qu’il va au front ? Je crois qu’il faut le laisser tranquille ; il va parader. Il me paraît inutile que vous lui rendiez visite maintenant. Je ne prévois cette visite qu’au cas où elle pourrait contribuer à maintenir la liaison. Mon avis est qu’il faut à tout prix empêcher la rupture et maintenir la liaison. Si le front s’étirait trop pour être convenablement défendu et si la percée était à craindre, mieux vaudrait encore au pis aller abandonner les Flandres et même Calais que de découvrir Paris. Si l’on était acculé à cette extrémité, il pourrait y avoir intérêt à voir le roi pour empêcher Haig de s’entendre avec lui en vue d’un repli de l’armée anglaise sur Calais. — Dans cette hypothèse, je me tiens à votre disposition, autrement, je ne bouge pas. — Très bien, ne bougez pas. Je retournerai voir Foch demain et si je crois votre présence utile au G.Q.G. je vous préviendrai par téléphone. »

À deux heures et demie, Loucheur, que j’ai prié de venir, me paraît plus satisfait qu’il ne l’était, mais il est moins rassuré que Clemenceau. Nos