Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
VISITE AU FRONT

l’a reprise qu’à cause des événements militaires actuels. « Mais nous nous retrouverons, déclare-t-il. Je ne suis pas de ceux qui oublient une injure comme celle-là. »

Nous nous rendons d’abord à Clermont où le général Humbert est installé dans un magnifique château, au milieu d’un beau parc. Les troupes que nous commençons à rencontrer ont une très belle allure. Humbert est assez confiant en ce qui concerne le front de son armée. On a repris hier un peu de terrain entre Montdidier et Lassigny. On a fait environ 800 prisonniers allemands. On contre-attaque encore aujourd’hui. Humbert est assez satisfait des soldats anglais, même des officiers subalternes.

Pénelon, qui est général directeur du génie de l’armée, est rayonnant de confiance. Il porte Humbert aux nues. Mais Humbert a le malheur, pendant notre conversation, de soutenir qu’il faut refaire le caractère français, restaurer la discipline dans le pays après la guerre, etc. Favre, après notre départ, le traite de minus habens. Il lui reproche d’être un officier de caste, méconnaissant le pouvoir civil !

De Clermont, nous allons à Montgerain où se trouve le poste de commandement du général Jacquot, commandant du corps d’armée qui se bat du côté de Rollot. Les routes sont encombrées de troupes et d’artillerie lourde et très boueuses. À plusieurs reprises nous sommes embourbés ou arrêtés par les convois.

Reconnu par les soldats, je suis vite entouré et chaque fois très respectueusement salué, souvent avec des vivats.

De Montgerain, nous nous rendons du côté de Tricot, et là, nous voyons commencer notre contre-offensive de la journée sur le front. Rollot est en flammes devant nous. Les Allemands déclenchent