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LA VICTOIRE

et me dit : « Je vais très bien, moi. C’est peu de chose à côté de ce que j’ai vu autour de moi, » et il dicte une lettre à sa famille.

Pendant que je suis à l’Hôtel-Dieu, le cardinal Amette y vient aussi et nous échangeons quelques mots émus et patriotiques.

Rentré à l’Élysée, je vois Lebrun et j’organise avec lui, en le priant de s’entendre avec Pams, un voyage aux localités évacuées ou menacées d’évacuation.


Dimanche 31 mars, Pâques.

À huit heures du matin, je pars en auto avec Lebrun, ministre du Blocus et des Régions libérées (il faut, hélas ! remplacer en ce moment, libérées par envahies), et avec Favre, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, dans les services desquels rentrent les évacuations et les transports des réfugiés. Pendant tout le trajet, Favre maugrée contre les chefs militaires, à l’exception de Micheler, contre l’armée, qui ne suit pas les directives nécessaires du pouvoir civil, mais pas encore contre Clemenceau à qui il garde cependant rancune des remontrances qu’il a reçues de lui à propos de la descente dans les caves du ministère. Clemenceau lui a fait, paraît-il, une véritable scène devant le chef de cabinet de Pams qu’il a décoré pour donner une leçon à Pams.

Il soutient que le devoir des chefs est de ne pas s’exposer inutilement et de donner l’exemple de la soumission aux instructions. Mais cet incident, dit Favre, n’est qu’un prétexte. Clemenceau lui reproche surtout, en réalité, son franc-parler. Favre critique vivement la politique du président du Conseil et se plaint que le gouvernement ne soit au courant de rien, que les questions soient réglées par Clemenceau seul, impulsivement, sans réflexion. Il a donné sa démission motivée et ne