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LA VICTOIRE

Desplas vient aux nouvelles. Je lui en donne d’aussi rassurantes que possible sur les événements militaires.


Dimanche 7 avril.

J’avais eu l’intention d’aller voir aujourd’hui l’armée du général Debeney, mais n’ayant pas encore reçu hier le recours en grâce de Bolo et l’exécution étant projetée pour demain, je n’ai pas voulu la retarder en m’absentant. Bien m’en a pris, car j’ai reçu ce matin successivement une lettre du bâtonnier Albert Salle, avocat d’office de Bolo, et une lettre du condamné me demandant audience. Cette dernière, dépourvue de toute formule de salutations, est ainsi conçue : « Monsieur le président, je suis innocent. J’ai été condamné à tort, je n’ai jamais fait que servir mon pays. Ne voulant laisser de côté aucun moyen d’empêcher une exécution injuste, je fais appel à votre droit souverain. » Je convoque Albert Salle par téléphone pour onze heures. Avant qu’il soit arrivé à mon cabinet, le chef du deuxième bureau, envoyé par Clemenceau, vient me communiquer un autre dossier, celui de l’affaire d’un comte Armand, appartenant au même bureau.

Le bâtonnier Albert Salle vient à onze heures et me dit : « Je suis très angoissé. Je ne viens pas vous demander la grâce de Bolo. Je sais bien que vous ne me l’accorderiez pas. Tout ce que je pourrais vous demander, ce serait de ne pas prendre votre décision immédiatement et d’attendre que les commissions rogatoires que j’avais fait envoyer en Espagne, à la Banque de Castille, fussent revenues. Je ne m’explique pas qu’on ne les ait pas hâtées davantage. »

Me  Salle ajoute que Bolo parlera d’autant moins que lui ne peut le voir désormais qu’en présence des gardiens et se trouve, par conséquent, dans