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CONFIDENCES DE PAMS

bras de l’Allemagne. Mais le roi est mal renseigné sur la Catalogne. Il devrait s’appuyer sur elle. Cambo est une force grandissante dont il n’a rien à redouter, mais tout à espérer. Avec la Catalogne, le roi a devant lui un long avenir et un règne heureux. Sans elle ou contre elle, c’est l’anarchie. Je m’étonne qu’il ne le comprenne pas. Nous-mêmes, du reste, nous ne sommes pas toujours très adroits, vis-à-vis de lui. Cette affaire Sixte a compromis nos relations avec la reine mère. Nous n’avons pas été très chevaleresques. Il ne faudrait pas que le président du Conseil mît maintenant le prince Sixte dans une position trop fausse. — Clemenceau, dis-je, voudrait obtenir de lui une nouvelle attestation publique. Cela me paraît difficile à demander. — Et à moi aussi. Mais faites appel aux sentiments d’humanité de Clemenceau. Cette affaire a déjà été assez fâcheuse. C’est comme l’affaire Denvignes. La poursuite était bien inutile et Clemenceau a tort de vouloir maintenant prendre une mesure disciplinaire. »

C’est la première fois que Pams me parle aussi longuement de questions ne touchant pas à son ministère. Il s’excuse à plusieurs reprises, mais je le rassure d’autant plus volontiers sur ce qu’il appelle son indiscrétion, qu’il s’exprime avec jugement, bon sens et finesse.

À la fin de l’après-midi, Clemenceau arrive tout frais, revenant des armées. Il a vu Foch dont la confiance n’est pas ébranlée par la malheureuse affaire du mont Kemmel. Milner a avoué qu’il avait, en dehors de nous, passé avec Pershing un accord aux termes duquel l’armée anglaise allait absorber pendant plusieurs mois tous les contingents américains. Clemenceau a protesté, Milner, confus, a battu en retraite. Il a été convenu que les arrivages de mai appartiendraient aux Anglais,