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L’AFFAIRE PAIX-SÉAILLES

mal, lui dis-je. — Voici les pièces essentielles. Gardez-les quelques heures ; lisez-les. Je voudrais avoir votre avis sur ceci. Je désire qu’il n’y ait pas huis-clos ; je crois la publicité désirable pour une foule de raisons. Mais il y a des pièces qu’il est peut-être difficile de laisser lire, puis il y aura aussi, je crois, une attrape entre le général Sarrail et le général Cordonnier sur la question de savoir si la communication a pu rendre service à l’ennemi, dans le cas où il l’aurait connue. — Bien, évidemment, la publicité vaudrait mieux, si elle ne présentait pas d’inconvénients. Mais il faut voir les pièces. »

Clemenceau et Ignace me laissent alors en communication le rapport du commissaire rapporteur Mangin-Bocquet, et les dépositions de Sarrail, Cordonnier, Daudet, etc. Puis Clemenceau reprend la conversation à bâtons rompus : « Avez-vous vu Leygues ? — Non. — Eh bien, il a revu, lui, son amiral de Bon et il s’est laissé influencer. Après m’avoir arraché une première concession sur le texte du télégramme, il est revenu me voir le lendemain et m’a dit : « Il ne peut plus être question du commandement anglais. Les Italiens ont accepté de se subordonner à nous. On donnera satisfaction à l’amiral Jellicoë en le nommant à Versailles et tout sera dit. » Mais ce n’est évidemment pas ce que veulent les Anglais et je persiste à penser qu’il vaut mieux leur céder sur mer pour qu’ils ne nous chicanent pas sur terre. J’ai donc rédigé une formule que Leygues a fini par accepter ; c’est une moyenne entre celle de Doullens et celle d’Abbeville : l’amiral anglais aurait un pouvoir de coordination des forces alliées.

« Autre difficulté. L’Italie s’est mis en tête d’envoyer le général Ferrero à Salonique et d’y laisser traiter la question d’Albanie. Je ne veux pas de