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LA VICTOIRE

cela. Il y a des engagements ; il y a les accords d’Abbeville. Je n’entends pas qu’on les rompe après coup. Je l’ai écrit un peu sèchement à Orlando. — Et les grèves ? — Cela va très bien. Ils vont rentrer. J’ai eu hier de longues conversations avec Renaudel, Thomas, Merrheim. Savez-vous qu’il est très bien, ce Merrheim ? Il parle avec clarté, sans phrases ; il est intelligent et fin. — Prenez garde à lui, lui dis-je, vous soutenez l’opinion de Malvy. — Ah ! vous voyez que vous êtes malviste. C’est ce qu’on m’avait toujours dit. La différence entre Malvy et moi, c’est que Malvy voyait Merrheim pour le mauvais motif, et moi, pour le bon. »

Clemenceau s’en va, et en passant dans le cabinet de Sainsère, il lui dit avec une sorte de fierté : « Je couche entre la blonde Renaudel et la brune Merrheim. Vous voyez que je ne m’embête pas. »

Clemenceau m’assure que, malgré les manœuvres de certains grévistes, les jeunes classes partiront intégralement : « Je l’ai dit à Renaudel et à Merrheim ; ils l’ont accepté. Les sanctions prises contre les meneurs qui ont été soit arrêtés, soit appelés au front, sont et seront maintenues. J’ai dit que je ne pouvais pas céder, que je ne pouvais promettre aucune mesure de clémence, mais que je n’étais pas un ogre et que je verrais après la fin de la grève. Ils ont voulu m’interroger sur les buts de la guerre. J’ai répondu : « Non, pas cela. Ce n’est pas une question syndicale ni ouvrière. Supposez qu’un syndicat ait tel ou tel but de guerre et un autre syndicat d’autres buts. Faudra-t-il que le gouvernement discute successivement avec tous les syndicats ? Non, voyez-vous, c’est une affaire politique. Je la discuterai un de ces jours avec M. Renaudel. — Oui, dit Merrheim, c’est cela, je passe la main à Renaudel. » — Nous