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LA VICTOIRE

alerte, au moment même où le commandant Challe m’apporte de mauvaises nouvelles sur la bataille de l’Aisne, notamment l’entrée des Allemands à Fismes. Leur avance est donc très rapide. On va faire revenir quinze divisions de la Somme. Mais quand arriveront-elles ? Nuit d’angoisse et d’insomnie.


Mardi 28 mai.

Dès cinq heures trois quarts du matin, premier obus. Puis deux autres. Heureusement pas de victimes.

Les journaux du matin publient, avec un bel ensemble, un article de Maximilien Harden dans la Zukunft, disant que jamais Français n’a eu la popularité de Clemenceau. On écrivait cela de Briand il y a dix-huit mois. J’aime mieux ce qu’on écrit aujourd’hui.

J’apprends par la presse la condamnation avec sursis de Paix-Séailles et du capitaine Mathieu, l’un à un an, l’autre à trois mois de prison.

Les arrestations continuent dans la Loire. Lafont, député, a été momentanément arrêté avec les menottes, parce qu’on ignorait qui il était.

J’apprends que nos réserves ne sont pas encore assez nombreuses et que les Allemands gagnent du terrain. Ils ont progressé de douze kilomètres et sont à Vesles.

Conseil des ministres. Clemenceau y vient, mais n’y reste pas. Toujours ganté de fil gris, il me dit qu’il est préoccupé de la porte qui s’est ouverte entre Soissons et Fismes et qu’il part pour le front.

D’accord avec lui, à qui j’ai montré un télégramme de Rome sur les menées pacifistes du Vatican, je fais venir Cambon, que je prie de porter ce télégramme au cardinal Amette.

Briand, venu me voir, me paraît très excité