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LA VICTOIRE

a grandi dans Paris, tandis qu’à la Chambre, les esprits se sont un peu calmés.

Maurice Herbette vient voir Sainsère pour lui demander s’il est vrai que j’ai fait appeler Briand pour lui offrir un portefeuille. Sainsère éclate de rire.

Le canard a vraiment des ailes.


Dimanche 2 juin.

À neuf heures et demie, arrive Clemenceau : « Je viens le premier pour vous parler encore de cette campagne que vous avez eu le tort de favoriser en appelant Briand.

— Qu’y a-t-il encore ?

— Eh bien, cela continue. Briand s’est réconcilié avec Franklin-Bouillon et celui-ci veut intervenir à la tribune de la Chambre pour que le ministère s’élargisse. De son côté, le gouvernement italien est si bien convaincu que mon cabinet est atteint qu’Orlando n’est même pas venu me voir et qu’en revanche, il a rencontré Briand.

— N’y a-t-il pas des gens qui exagèrent auprès de vous ces intrigues ? En tout cas, ce n’est pas une visite de Briand qui les a fait naître. Elles se seraient produites quand même.

— Certainement. Mais la visite y a donné corps et tout ce que je voulais vous dire, c’est ceci : Vous m’avez offert de faire venir Briand avec moi ou avec Henry Simond. Gardez-vous-en. Cela ne ferait qu’aggraver les choses. Je suis, du reste, bien résolu à ne pas modifier mon cabinet. Un ministère de chefs comme le voudrait Franklin-Bouillon ? Je sais que c’est votre conception.

— Pas du tout ; ç’a été ma conception sous un ministère Viviani ou Briand. Mais je n’ai jamais songé à vous la proposer, à vous ; je sais bien qu’elle n’est pas la vôtre.

— En effet, c’est même la raison pour laquelle