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L’AVANCÉE DES ALLEMANDS

Briand, que j’ai reçu celui-ci et que je lui ai parlé de ce projet, que Clemenceau lui proposerait volontiers l’Intérieur, mais que lui, Briand, voudrait les Affaires étrangères, « Vous voyez, reprend Clemenceau, que vous avez eu tort de le faire venir.

— Mais, dis-je, il aurait aussi bien pu inventer toutes ces choses sans m’avoir vu. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’il n’a pas laissé percer devant moi le désir d’entrer dans votre cabinet et que je n’ai jamais cru cette combinaison possible. Au moment où vous avez formé le ministère, Berthoulat, votre ami et celui de Briand, aurait voulu que vous prissiez celui-ci. Je lui ai répondu qu’autant vaudrait essayer de marier l’eau et le feu.

— Oui, répond Clemenceau, l’eau et le feu Nous ne pensons de même en rien. Je ne sais, d’ailleurs, ce qu’il veut, mais ce que je veux, moi, je le sais. Je veux continuer la guerre jusqu’au bout, coûte que coûte.

— Eh bien ! nous sommes entièrement d’accord. Laissons Briand à ses imaginations. »

Il n’importe. Je sens toujours Clemenceau agacé, comme en débutant, par le crédit qu’il suppose à Briand auprès de moi.

Clemenceau m’avait annoncé qu’il viendrait à trois heures à l’Élysée pour converser avec Dubost et Deschanel. Je les avais donc prévenus, mais Deschanel s’est excusé, forcé d’aller à l’Académie des Sciences morales et politiques, et Clemenceau m’a téléphoné que Lloyd George devait venir le voir au début de l’après-midi. Il m’a fallu avertir Dubost, qui paraît convaincu que Clemenceau cherche des échappatoires pour ne pas conférer avec lui.

L’avance des Allemands a continué de Noyon à Château-Thierry. Nail me dit que l’inquiétude