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LA VICTOIRE

la République. Notre conversation n’a donc aucun caractère officiel. Sous cette réserve, je suis tout disposé à m’expliquer. Mais auparavant, je voudrais savoir ce que pense M. le président de la Chambre ? »

Avec beaucoup plus de calme et même, chose inattendue, de simplicité que Dubost, Deschanel dit : « Pour moi, je n’ai rien à demander au sujet du passé. Ce n’est pas à moi de rechercher les responsabilités et de provoquer des sanctions. Je sais seulement que nous avons le devoir d’envisager l’avenir et de vous demander ce qu’il y aura à faire suivant les diverses hypothèses qui peuvent se présenter ; et il faut prévoir les plus pessimistes comme les autres pour être prêts. Pour mon compte, je pense qu’il ne faut pas recommencer les fautes de 1870. Si Paris est menacé, il ne faut pas que le gouvernement s’y enferme. C’est ailleurs qu’il faut continuer la lutte et, pour cela, un accord est nécessaire entre le gouvernement et les Chambres.

— Oui, reprend Dubost, il est nécessaire que cela, avant tout, soit clairement établi. Il faut qu’en tout état de cause, les Chambres soient à même de se prononcer, qu’elles ne soient pas mises en présence d’un fait accompli ou irréparable.

— Nous sommes d’accord sur ce point, dit Clemenceau, je ne ferai rien que d’accord avec les Chambres, et si l’évacuation de Paris devient nécessaire, je m’entendrai avec elles. Mais je veux répondre à M. le président du Conseil (à plusieurs reprises, Clemenceau commet le lapsus d’appeler Dubost président du Conseil).

« Je n’accepte, dit Clemenceau, aucune responsabilité pour ce qui s’est passé avant mon arrivée au pouvoir. J’ai pris les choses telles qu’elles étaient. Ce n’est pas ma faute si nous avons deux millions d’hommes hors de combat, si nous avons