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CLEMENCEAU RÉSOLU À CONTINUER LA GUERRE

300 000 hommes à Salonique. Ce n’est pas moi qui les ai envoyés là-bas. Je ne puis me battre pour le moment qu’avec les effectifs que nous avons, nous et nos alliés. Hier, à Versailles, j’ai enfin obtenu de Lloyd George qu’il laissât un de ses officiers vérifier avec le War Office les disponibilités métropolitaines de l’Angleterre. D’autre part, Foch a préparé un travail destiné à Wilson et démontrant la nécessité d’envoyer 200 000 fantassins en juin et 200 000 en juillet, et d’appeler 300 000 hommes par mois d’Amérique. Comme Wilson a dit par avance qu’il s’en rapportait à l’appréciation du Comité de Versailles, je pense que lorsque le Comité aura voté ce soir les conclusions de Foch, nous aurons fait un grand pas. Ces mesures nous permettront sans doute d’attendre l’arrivée d’autres forces américaines. Mais il est probable que dans l’intervalle nous aurons encore à céder du terrain. Je veux gagner du temps. Je ne veux pas jouer le sort de la France dans une bataille décisive. Il est donc possible que notre front se rapproche peu à peu de Paris, que Paris soit bombardé et même qu’il puisse être sinon investi, du moins privé de moyens de ravitaillement. Il est facile de couper les voies. Dans ce cas, même si le gouvernement est forcé de s’éloigner, je suis résolu à continuer la guerre. Lorsque M. le président de la République m’a fait appeler, c’est le premier mot que je lui ai dit : « Je n’accepte qu’à condition de continuer la guerre jusqu’au bout.

— Oui, dis-je, et je vous ai répondu que c’était la raison pour laquelle moi-même je vous avais fait appeler. »

— Je continue donc la guerre, d’accord avec les Chambres. Pour moi, l’essentiel, c’est que les armées alliées ne soient pas coupées les unes des autres et que nous nous repliions au besoin en-