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LA VICTOIRE

— Nous sommes d’accord, c’est ce que j’ai dit à Pétain. Je l’ai, en outre, prié de m’écrire officiellement à ce sujet. D’après l’accord de Beauvais, les généraux en chef peuvent s’adresser à leurs gouvernements, s’ils croient que les ordres de Foch mettent l’armée en péril. C’est le cas de Pétain. Je verrai Foch dès que j’aurai en main la lettre de Pétain. Je tâcherai de les mettre d’accord. Je ne vais pas voir Foch aujourd’hui parce qu’il est allé voir Pershing et qu’il lui demande de donner des régiments américains dans nos divisions. Ce sera une manière de stimuler le moral de nos troupes.

Les Américains sont admirables. Si vous avez une heure, allez voir à Trilport le général Degoutte, il vous donnera à ce sujet des détails intéressants. »


Mardi 18 juin.

Depuis quinze jours, la roseraie de l’Élysée est en pleine floraison et répand une délicieuse odeur sous mes fenêtres. Le jardin est rempli d’oiseaux : merles, bouvreuils, pigeons et moineaux, et malheureusement aussi de corneilles, qui sont revenues, quoiqu’un fonctionnaire des forêts en ait tué plusieurs et qu’elles aient été, comme les années précédentes, pendues autour de la pelouse pour chasser les nouvelles venues. Tous ces chants, tous ces parfums, toute cette joie de la nature, si près de tant de souffrances humaines !

Conseil des ministres. Clemenceau, qui est allé voir Foch dès l’aube, annonce son arrivée pour dix heures. Nous l’attendons. Il arrive rayonnant. « Tout, me dit-il à part, est arrangé entre Foch et Pétain, et tout s’arrange entre Foch et Pershing. Pétain, poussé par ses bureaux, avait examiné avec un peu de vivacité les demandes de Foch et s’était cabré sans chercher à se mettre d’accord.