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LA VICTOIRE

me voir. Il n’est pas d’avis que je dépose dans l’affaire Humbert ni dans les autres. Il ajoute qu’il poursuit son enquête sur les opérations de l’Aisne et qu’il me tiendra au courant. Mais il veut « marcher d’accord avec la commission de l’armée. Peut-être, dit-il, n’aurais-je pas été de cette opinion au début de la guerre, mais ajourd’hui, je juge indispensable de garder le contact avec le Parlement. » Clemenceau est, en ce moment, très dur pour Pétain. En revanche, il proclame son admiration pour Foch. « Des fautes très graves, répéte-t-il, ont été commises dans la bataille de l’Aisne et je crois même que la responsabilité personnelle de Pétain est engagée. » Je conclus, quant à moi, qu’il faut absolument que les rapports de Foch et Pétain soient mieux définis. Clemenceau m’assure qu’il est lui-même de cet avis.

Clemenceau est, me raconte-t-il, allé voir Dubost, qu’il a trouvé toujours assez furieux des « infamies » dont Micheler est victime. » — Victime d’une infamie, parce qu’il n’est pas général en chef !

Clemenceau me parle encore de Briand avec hostilité. Il attribue à Briand l’insistance avec laquelle Paté, Varenne et d’autres l’ont interrogé dans les commissions sur la question des effectifs.

Jules Guesde, qui est resté longtemps absent et qui est allé soigner ses douleurs à Dax, me fait une visite amicale. Ses longs cheveux flottent plus gris autour de sa tête ; ses jambes sont tordues et déjetées ; il marche avec peine et souffre, me dit-il, beaucoup. Il me tient un langage aussi patriotique et aussi ferme que jamais : « J’ai souvent été bien triste de vous entendre attaquer comme on le fait. Moi, qui vous ai vu à l’œuvre et qui sais comment vous vous acquittez de vos fonctions… » Il me prie avec beaucoup de discrétion et de tact d’examiner le dossier de grâce de