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Mardi 6 août.

J’ai quitté Paris hier à neuf heures et demie du soir après une journée de bombardement meurtrier. J’arrive à neuf heures du matin à Chaumont (Haute-Marne). Il a plu toute la nuit, mais au moment où je descends du train, tombent les dernières gouttes. Le général Pershing m’attend à la gare. Je lui serre la main, j’échange quelques mots avec lui par son interprète, heureusement de plus en plus inutile.

Malgré le désir de Pershing, la population n’a pas été prévenue de mon arrivée. Le maire, mobilisé auprès de l’armée américaine, m’a expliqué qu’il avait reçu l’ordre de garder le secret. De qui ? Je ne sais.

Nous nous rendons à la caserne où est installé l’état-major américain. Dans la cour très spacieuse sont rangées en cercle des troupes américaines, que vient bientôt rejoindre le détachement français qui m’a rendu les honneurs à la gare.

Le général Pershing m’introduit dans son cabinet où il me présente les officiers de son état-major.

Tout en causant, nous regardons une carte et je fais avec la main le geste de presser et de réduire la poche Montdidier-Compiègne. Il me répond oui et fait le même mouvement pour la poche de Saint-Mihiel. Je lui parle de la nécessité d’assurer une paix définitive par la victoire complète. Il me répond qu’il est très heureux de m’entendre parler ainsi.

Nous descendons dans la cour et, devant le drapeau français, je remets le grand cordon de la Légion d’honneur au général Pershing. Auparavant, je lui adresse en anglais une courte allocution, que je termine ainsi :

Long live general Pershing. Long live president Wilson. Live for ever the United States.