Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vivant, malgré les obus, ces années dernières, est entièrement détruit. Les soldats travaillent, dans une poussière grise, au déblaiement des décombres. Je parcours à pied quelques rues lamentables.

Puis, nous partons pour Faverolles, et de Faverolles sur Piennes, par la cote 105, d’où nous voyons très nettement, au milieu des éclatements, le village de Grivillers, que nos troupes sont en train de prendre. Piennes, que nous avons encerclée avant-hier, est encore remplie d’écriteaux allemands : liegt unter Feuer. Par des routes qu’a défoncées le bombardement, nous passons à Rollot, Mortemer, Cuvilly, tout le champ de bataille d’hier ; et de là, par Estrées-Saint-Denis, à Clermont. Nous sortons de l’enfer et nous rentrons dans la zone habitée. À Clermont, je félicite le général Humbert. L’ennemi commence à résister très fermement dans la petite Suisse. Le général ne compte pas attaquer ce massif de front. Il essaiera de le tourner par le nord. Il a très peu de moyens à sa disposition, seulement deux divisions de réserve et peu de tanks.

Je suis de retour à Paris à sept heures et demie du soir, couvert de poussière, bien que j’aie fait le voyage en automobile fermée.


Lundi 12 août.

Un instant à la fondation Thiers pour embrasser nos cousins Boutroux au moment de la levée du corps du pauvre Alfred Pichon, mari de Suzanne Boutroux, mort d’une maladie contractée à la guerre.

Les officiers de liaison me disent que l’armée américaine, nouvellement constituée, n’a pas relevé avant-hier l’armée Degoutte comme on le pensait. La décision a été modifiée d’accord avec Pershing. On va donner aux Américains le secteur de Saint-Mihiel pour que la jeune armée