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LA VICTOIRE

demie, avec Lebrun, le colonel Vallière, le colonel Renault, Herbillon.

La Compagnie de l’Est a pris des dispositions pour que le train pût aller jusqu’à Sampigny. Elle a fait remettre en état une petite ligne transversale autrefois construite à la demande du génie militaire et allant directement de Loxéville à Sampigny. Nous arrivons à marche lente à huit heures et demie du matin. Un soleil joyeux illumine les ruines du château où habitaient les officiers de la petite garnison. Les bâtiments de la gare sont effondrés ; la petite salle d’attente construite à mon intention fait encore à peu près figure du dehors, mais, en y pénétrant, on n’y trouve que vitres brisées et moellons épars. Sur le quai nous attendent M. Aubert, préfet de la Meuse, les sous-préfets de Commercy et de Verdun, le capitaine Brugère, délégué par le général Hirschauer, commandant de la 2e armée. Nous montons immédiatement en auto, ma femme, Lebrun et moi dans la même voiture, sans nous attarder à Sampigny, et nous partons pour la chère ville délivrée. Nos autos prennent d’abord la ligne directe, qui se dirige sur le camp des Romains. Nous nous heurtons à une ligne de tranchées qui n’a pas été comblée et qui dresse devant nous, avec ses fils de fer intacts, un obstacle infranchissable. C’est de ce fort, occupé par les Allemands, qu’ils ont tiré ces derniers mois sur ma maison de Sampigny. Ils disaient deux ou trois fois par semaine aux habitants de Saint-Mihiel, mes anciens et fidèles électeurs : « Aujourd’hui, nous allons tirer sur votre Poincaré ! » Nous mettons pied à terre pour jeter un coup d’œil sur ces anciennes lignes françaises, encore occupées il y a deux jours par nos braves soldats et d’où ils sont partis pour entrer à Saint-Mihiel.

Nous reprenons les autos et nous rebroussons