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LE GÉNÉRAL PERSHING

les ruines de la maison sortent du petit bois, deux beaux gars américains, interloqués de voir là leur général. Il leur reproche d’avoir pénétré dans la propriété et leur dit qu’elle nous appartient. Ma femme leur adresse un mot bienveillant pour leur faire grâce. À la descente, près de la fontaine, apparaissent des revenants, anciens habitants de Sampigny, évacués dans les environs et accourus en ville ce matin. Ils demandent avec insistance si on les laissera se réinstaller. Je leur en donne l’espoir. Nous les présentons au général Pershing, et tous se précipitent vers lui pour le remercier d’avoir aidé à la libération de Saint-Mihiel et de notre région. Une femme notamment trouve des accents venus du cœur pour témoigner à l’armée américaine la reconnaissance de la population. Pershing écoute avec émotion et serre chaleureusement les mains tendues vers lui. Il se retourne de mon côté et me dit : « Je comprends maintenant pourquoi vous voulez aller à Thiaucourt. »

Nous prenons congé de lui. Il attend que nous soyons montés en auto et nous partons pour Pont-à-Mousson. Les villages que nous traversons sont bondés de troupes américaines. Sur les routes, torrents d’hommes et de camions. Nous parcourons une campagne désolée, inculte, hérissée de réseaux de fils de fer, creusée de tranchées sinueuses, toutes nos anciennes premières lignes. Les soldats français nous reconnaissent. Les Américains nous devinent. Tous saluent. Flirey est en ruines. Montauville est désert, la population est évacuée. Sur le pas des portes, il n’y a que des militaires, français et américains.

Sur la place de Pont-à-Mousson, toujours entourée de ses murailles de sacs à terre, nous attendent, prévenus par Lebrun, les quelques personnes qui sont restées comme gardiens, Mir-