Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/369

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
358
LA VICTOIRE

empêcher les Serbes de reprendre ce qu’ils peuvent reprendre de leur pays ?

— Je ne dis pas ; mais Milner m’a laissé espérer, il y a quelque temps, qu’il pourrait nous donner des Indiens pour Salonique. J’ai envie d’aller à Londres bientôt et de les réclamer. Cela me permettrait de faire revenir des Français. Je me défie de Guillaumat. Si je l’écoutais, il faudrait envoyer du monde là-bas. »

Clemenceau se plaint ensuite à moi de plusieurs de ses ministres et, je dois l’avouer, pour des motifs que je ne comprends pas. Il s’en prend enfin à Barthou qu’il accuse de convoiter une ambassade. Après ces diverses boutades, Clemenceau revient sur les intentions de l’Italie, Orlando, me dit-il, lui a déclaré qu’en arrivant à Rome, il allait donner à Diaz l’ordre d’offensive. Clemenceau ajoute qu’il aurait volontiers pris son parti de l’immobilité italienne.


Mercredi 25 septembre.

Pams, que j’ai prié de venir m’entretenir de sa réponse à la Commission de la réforme électorale, m’apporte un projet de lettre auquel je lui propose quelques modifications de détail. Il me dit qu’il sert Clemenceau avec beaucoup de fidélité et de dévouement, mais qu’il est condamné à une docilité continue sans laquelle il y aurait éclat et rupture. Clemenceau, me dit-il, vit en solitaire, déjeune et dîne seul, se couche tôt, se lève tôt et en dehors du travail de son ministère, rumine dans cette solitude les questions de personnes et il semble se distraire et s’amuser à les traiter avec une passion extraordinaire. On croit que Mandel l’excite. Pas du tout. Mandel fait la part du feu ; il couvre Clemenceau ; il prend à son compte les ardeurs et les fantaisies de son chef, mais il le modère plutôt et, sans Mandel, Pams, si docile