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LA VICTOIRE

plus tôt possible le Comité de guerre avec audition de Guillaumat.


Jeudi 26 septembre.

Vers onze heures et demie, Pichon arrive l’air bouleversé. « Il faut, me dit-il, que je vous mette au courant d’un incident qui me tourmente. Je sors du ministère de la Guerre ; le président du Conseil est dans un état de vive excitation. Il vient d’être convoqué par la Commission des affaires extérieures de la Chambre à la suite d’une séance où Barthou s’est élevé contre la réduction du corps de Salonique ; il déclare qu’il ne se rendra pas à la Commission, qu’on lui tend des pièges, qu’il ne peut plus gouverner. Si les Commissions l’entravent, il donnera sa démission à la tribune. Le plus ennuyeux, c’est qu’il vous mêle à tout cela. Il vous rend justice, il se félicite de ses rapports avec vous, mais il croit que, sans vouloir lui nuire, vous avez pu causer avec Barthou. »

Je l’interromps un peu sèchement : « Cette fois, en voilà assez, dis-je. L’autre jour, Clemenceau me reprochait d’avoir reçu Briand. Il m’a ensuite reproché l’attitude de Grosdidier dans l’affaire Malvy. Hier, il m’informait que je m’occupais au Sénat de l’élection de Ratier. C’en est trop. Je n’ai entretenu personne des intentions du président du Conseil. Je n’en aurais pas parlé si elles avaient été arrêtées ; à plus forte raison, n’en ai-je pas dit un mot, puisqu’elles sont encore sujettes à examen. Je ne puis admettre cette suspicion perpétuelle. — Oh ! il est loin de vous soupçonner. Il sait bien que vous êtes très loyal envers lui.

— Oui, il me croit loyal, mais indiscret et imprudent. Or, j’ai l’habitude de la discrétion et lui, ne l’a jamais eue. Il croit garder des secrets et il les confie à tout le monde. Récemment encore,