Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/385

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
374
LA VICTOIRE

mée américaine ; et maintenant, il veut garder les deux moitiés avec un seul état-major qui est incapable de les manœuvrer. Cela ne peut pas durer. Vous êtes bien d’accord avec moi ?

— Je suis d’accord sur l’état de choses qui est fâcheux et sur l’intérêt qu’il y a à ce que ce soit Foch qui le signale.

— Bien. Maintenant, un mot de l’Orient. Il paraît que vous craignez que je ne sois trop Turc. Rassurez-vous, je ne suis pas Turc du tout. Et je crois qu’il suffira d’annoncer que nous marchons sur Constantinople pour que la Turquie capitule. Je ne pense pas que l’opération elle-même soit nécessaire. Il y a une démonstration navale à faire sur les Dardanelles, nous la ferons sous le commandement d’un amiral français. Si les Anglais veulent faire une démonstration par terre, libre à eux, ils la feront, ils ont des forces. Ce sera leur affaire.

— Il me paraît impossible, dis-je, que l’opération par terre soit menée par eux seuls, sous un autre commandement que celui du général Franchet d’Esperey, et je ne crois pas que l’opération navale puisse avoir lieu sans l’opération terrestre. Et puis, il y a les trois divisions bulgares. Les Anglais peuvent avoir l’idée de les employer et les Grecs en prendront ombrage,

— Oh ! les Grecs ! Ils sont insupportables ; Venizelos, Romanos : ils voudraient maintenant aller à Smyrne.

— Soit, dis-je, il faudra les calmer, mais pour y réussir, il ne faut pas laisser les Bulgares se mêler à notre expédition contre la Turquie.

— Oui, oui, mais soyez convaincu que je ne vais rien décider de tout cela immédiatement. Je prendrai du temps, je viendrai causer avec vous et je consulterai le Comité de guerre.

Peu après son départ, Clemenceau me téléphone :