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APAISEMENT


Mercredi 9 octobre.

Je n’avais d’abord pas déchiffré dans la première lettre de Clemenceau les mots « pour l’histoire que vous voulez vous faire ». Les ayant lus après le départ de Pichon et de Leygues, je me réserve d’en parler à Clemenceau dès que je le reverrai. Mais il m’a prévenu dans une lettre additionnelle qu’il ne se présenterait plus chez moi « qu’avec un de ses collaborateurs ». Faudra-t-il donc que ce collaborateur soit mis au courant de notre correspondance ? Non, je ne dirai rien. Je laisserai Clemenceau en face de la responsabilité qu’il encourrait s’il maintenait sa démission. Mais il l’a donnée dans un coup de nerfs et il ne la maintiendra pas. Il me suffira donc, je pense, de me contenir moi-même dans mes relations avec lui, de ne plus lui écrire aussi librement et de limiter mes conseils et mes observations au minimum. Tout s’apaisera vite, et je n’aurai plus qu’à me féliciter des qualités de Clemenceau sans m’attarder davantage à ses quelques défauts. Si on reparle d’armistice, je maintiendrai mon point de vue ; mais, à ce moment tout dépendra, en réalité, des circonstances militaires et de l’opinion qu’émettra le commandement. Je persiste à penser qu’une suspension d’armes devra, en tout cas, être accompagnée des garanties les plus sérieuses et qu’il ne faudra pas laisser à l’ennemi la possibilité de cacher à l’opinion allemande la gravité de sa défaite.

À la fin de la journée, Leygues me communique le procès-verbal du Comité de Versailles et m’apporte des nouvelles de Beyrouth.

Vers midi, Clemenceau m’adresse une nouvelle lettre avec citations de Jeanneney, de Pichon, de Mordacq et de Loucheur.

Au Sénat, Ratier s’est effacé devant Péret, qui a été élu président de la Commission de la Haute