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LA VICTOIRE

pour cela de retirer des troupes de France et de Salonique. Clemenceau a répondu en opposant son propre plan : concentration de l’effort en France pour une défensive vigoureuse jusqu’à ce que les Américains soient prêts. Cette thèse, appuyée par Robertson, a triomphé.

Deuxième question : Effectifs. Foch a démontré par des chiffres la nécessité d’un gros effort anglais. Lloyd George a répondu avec vivacité, et lorsque Foch a voulu répliquer, Lloyd George l’a interrompu en disant : « C’est une question qui ne regarde que les Anglais. L’examen doit en être renvoyé au gouvernement britannique. »

Troisième question : Constitution d’une armée de réserve. Lloyd George lui-même a proposé, d’accord avec Clemenceau, que Foch présidât le Comité interallié et que le Comité interallié fût maître de la distribution des réserves. Sonnino avait d’abord objecté que Foch, superposé à Weygand, cela faisait deux représentants français ; on lui a donné satisfaction en supprimant Weygand ; mais Foch a été accepté par tous comme président du Comité.


Lundi 4 février.

Le général Leman, le vaillant défenseur de Liège, enfin libéré par les Allemands, me rend visite. Je lui remets, d’accord avec Clemenceau, le grand cordon de la Légion d’honneur. C’est un homme simple, modeste, qui a quelque mal à vaincre sa timidité, mais qui, une fois la glace rompue, parle avec intelligence et finesse. Il est très fatigué par les privations qu’il a endurées en Allemagne et il est atteint de diabète. Il va aller se soigner dans le Midi. Blessé à Liège, il a été interné à Magdebourg et, dit-il, bien soigné, mais surveillé par trois sentinelles, même pendant les mois où il était incapable de se mouvoir. Il