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L’ARMISTICE AVEC L’AUTRICHE

— Nous ne les connaissons pas toutes ; mais il y a l’ouverture des Dardanelles et du Bosphore l’occupation des forts et la reddition des prisonniers. Cela sera annoncé aujourd’hui à la Chambre des Communes et en même temps, à la Chambre des députés par Leygues. Cela produira bon effet. Je n’ai pas voulu que vous l’appreniez par le compte rendu de la Chambre.

— Je vous remercie.

— Je pars pour Versailles après déjeuner ; sans quoi, je serais allé vous voir. »

Comme me le disait hier Leygues, Clemenceau se contredit perpétuellement. Il veut toujours fortement, mais il veut des choses successives et opposées. Il avait promis à Leygues de ne pas laisser les Anglais faire seuls l’armistice turc ; il a cédé. Il me reprochait naguère de vouloir forcer les conditions d’un armistice avec l’Allemagne ; il promet aujourd’hui de soutenir le projet de Foch qui, je l’espère, ira au delà de ce que je demandais. Il ne voulait pas que les Italiens prissent l’offensive et se déclarait sur ce point en contradiction avec Foch et avec moi. La raison de son opinion était qu’il comptait résister aux exigences italiennes et ne voulait pas qu’un succès les encourageât ; et aujourd’hui, il cède, dès les premiers mots, aux prétentions de l’Italie et il accepte, vis-à-vis de l’Autriche, des conditions dangereuses qui nous empêcheront de demander et d’obtenir les plus nécessaires. Il ne veut pas que l’Autriche du Sud se rallie à l’Allemagne ; mais il a outragé l’empereur Charles et il n’a aucune vue sur l’avenir de l’Europe centrale.

À la fin de la journée, il me téléphone : « Je ne peux pas encore vous donner les conditions d’armistice avec l’Autriche. Pichon est resté à Versailles pour mettre le texte au point. Il vous l’apportera à son retour. Je suis très content. La