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LA VICTOIRE

À peine débarqués, vos vaillants bataillons, enflammés par leur chef, le général Pershing, se sont précipités au combat avec un si mâle mépris du danger, un dédain si souriant de la mort, que notre vieille expérience de cette terrible guerre était souvent tentée de leur conseiller la prudence. Ils ont apporté ici, en arrivant, tout l’enthousiasme de croisés partant pour la Terre Sainte. Ils ont le droit maintenant de contempler avec fierté l’œuvre accomplie et de se dire qu’ils y ont puissamment aidé par leur courage et leur foi.

« Si ardents qu’ils fussent contre l’ennemi, ils ignoraient cependant, lorsqu’ils sont venus, l’énormité de ses attentats. Pour être renseignés sur les procédés de l’armée allemande, il a fallu qu’ils vissent eux-mêmes les villes systématiquement incendiées, les mines inondées, les usines réduites en poussière, les vergers dévastés, les cathédrales écrasées sous les obus et rongées par le feu, tout ce plan de guerre sauvage à la richesse nationale, à la nature et à la beauté, que l’imagination ne saurait concevoir loin des hommes et des choses qui en ont souffert et qui en portent le témoignage. Vous pourrez à votre tour, monsieur le Président, mesurer de vos yeux l’étendue de ces désastres ; et le gouvernement français vous communiquera, par surcroît, des documents authentiques où l’état-major allemand expose, avec un cynisme déconcertant, son programme de pillage et d’anéantissement industriel. Votre noble conscience prononcera sur ces forfaits.

« S’ils restaient sans sanction et s’ils pouvaient se renouveler, les plus belles victoires seraient vaines. Monsieur le Président, la France a lutté, patienté, peiné pendant quatre longues années ; elle a saigné par toutes ses veines ; elle a perdu les meilleurs de ses enfants ; elle porte le deuil de sa jeunesse. Elle aspire aujourd’hui, comme