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L’ENTRÉE DANS METZ

dès le matin conduit de Paris à Strasbourg plusieurs centaines de sénateurs et de députés qui avaient couché dans cette ville le samedi soir et avaient été ramenés à Metz le dimanche matin. D’autre part, deux trains étaient partis le soir, un peu avant le mien, transportant les bureaux des Chambres, les ambassadeurs et ministres alliés et les membres du gouvernement.

Dans mon train, Dubost, Deschanel, lord Derby, le comte Bonin, Sharp, Clemenceau, le général Mordacq, Mandel, Andrieux et Renoult, invités par Clemenceau. Mandel : figure glabre, hâve, yeux perçants, paupières rouges, peau boutonneuse, c’est un être troublant et singulier qui, avec Mordacq, tient les ficelles de Clemenceau.

Il avait fait publier samedi avant le départ une note annonçant que les élections auraient lieu fin avril. Cette note a beaucoup inquiété les députés présents à Metz et à Strasbourg, surtout ceux des départements libérés, qui se demandent comment les listes électorales pourront être établies en temps utile et comment le vote pourra avoir lieu à si bref délai dans des communes détruites et désertées.

Dubost et Deschanel m’ont parlé dans le même sens. Ils voient dans tout cela une campagne de Clemenceau pour arriver à la présidence de la République.

Deux fois pendant le voyage, Clemenceau, pour raison de fatigue, n’a pas dîné dans mon wagon. Il a invité dans le sien Andrieux et Renoult.

Le dimanche matin, lorsqu’on a ouvert les volets de mes deux cabines, j’ai eu sous les yeux la vallée de la Moselle, à la hauteur de Dieulouard. J’ai revu le signal de Xon et tout le paysage dévasté qui m’a rappelé plusieurs visites au front. Puis le train s’est arrêté un instant devant les ruines de Pont-à-Mousson et les souvenirs m’ont