Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/460

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
447
GRANDIOSE RÉCEPTION À STRASBOURG

les fenêtres sont garnies de monde. Partout des drapeaux français. Je dépose au pied de la statue de Kléber une gerbe de fleurs. Les vétérans de 70 sont rangés en ligne. Je leur envoie un long et respectueux salut.

Puis nous nous rendons à la place du Broglie. Elle est comble. Une épingle ne tomberait pas par terre. Au pied du perron de l’hôtel de ville sont massés les sénateurs et les députés. Appuyé sur la balustrade du perron, je commence mon discours que je lis par prudence et par crainte d’être trop embarrassé par l’émotion. Dès les premiers mots, je sens que l’auditoire tout entier est à l’unisson avec moi[1]. Au moment où je parle de la protestation de 1871, je pose la main sur l’épaule de Clemenceau, ce qui provoque une ovation à son adresse. Lorsque j’ai fini, il me serre la main et me félicite.

Nous montons au premier étage de l’hôtel de ville et là, on me présente des vétérans, des maires, des Alsaciens qui ont été emmenés en otage par les Allemands. Dans une salle voisine, Maringer entraîne Clemenceau et lui dit à l’oreille : « Mme Jacquemaire est là, qui vous attend[2]. » Et moi, je n’ai même pas osé amener ma femme. Après d’innombrables poignées de mains, nous redescendons et Clemenceau me prie de remettre au maire un vieux drapeau de 1870. Nous visitons ensuite la cathédrale, l’église protestante de Saint-Thomas et la Synagogue. Je remercie les curés, les pasteurs et les rabbins de leurs vœux de bienvenue.

Déjeuner dans le train.

Nous rentrons ensuite en ville et nous nous rendons, au milieu d’un enthousiasme indescrip-

  1. Voir Messages et Discours, IIe volume, p. 73 (Bloud et Gay, éditeurs).
  2. Fille de Clemenceau.