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ARRÊT À COLMAR

Notre train est allé se garer à Benfeld et dès notre arrivée, la population est venue nous acclamer. Elle a recommencé le mardi matin 10 décembre à notre départ. Des jeunes filles nous ont offert des fleurs et des gâteaux alsaciens et des enfants, sous la conduite d’une bonne Sœur, ont entonné la Marseillaise.

De Benfeld à Sélestat. Mon cousin Auguste Stoffel vient d’être nommé maire. C’est lui qui nous a reçus. Nous nous sommes seulement arrêtés à la gare, mais toute la population était là.

De Sélestat à Colmar, où nous arrivons à neuf heures du matin. La ville a un charmant air de fête. Comme partout, l’enthousiasme est magnifique. Nous suivons de petites rues pittoresques pour arriver à la place du Champ-de-Mars. Autour de la statue de Rapp sont rangées des troupes que Clemenceau et moi, nous passons en revue pendant qu’un chœur d’Alsaciennes entonne l’air :

Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine.
Vous avez pu germaniser la plaine ;
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais.

Il a été ajouté un couplet, qui parle au passé et non plus au futur. C’est d’une émotion poignante. Les yeux les plus secs sont mouillés.

Nous arrivons à la préfecture où nous recevons, comme à Strasbourg, les délégations, les députés du Landtag[1], Mme et Mlle Preiss, femme et fille de l’Alsacien molesté et exilé par les Allemands. À la sortie, je demande à Clemenceau : « Ne faudrait-il pas remettre la croix de guerre à Mlle Preiss ? — Oui, certes, » me répond-il.

Hansi, mobilisé à Colmar, détache sa propre croix de guerre. On rappelle Mlle Preiss et je lui

  1. Voir Messages et Discours, 2e volume, p. 91.