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LA VICTOIRE

aussi. J’ai fait remarquer que les remplaçants ne vaudraient peut-être pas les remplacés. Et de fait, la nomination de Dutasta à Berne, à la place de Beau, ne sera pas très bien comprise. Mais Clemenceau a insisté et Pichon, fidèle disciple, est aussitôt rentré dans son trou. Après le Comité, il s’est approché craintivement de Clemenceau et lui a dit : « Si vous voulez, je proposerai d’autres ministres. »

Je reçois Mourier, nouveau sous-secrétaire d’État à la Santé, le général Braquet, qui a été remplacé en Grèce par le général Bordeaux et qui revient un peu déçu par Venizelos, qu’il trouve vieilli, nerveux et diminué par son parti.


Jeudi 7 février.

Dumesnil, sous-secrétaire d’État à l’Aviation, m’entretient dans la matinée de la défense aérienne de Paris. Il fait venir des Nieuport ; il va installer des vases lumineux, préparer des nuages artificiels, organiser des tirs de barrage en avant de Paris. Il est d’avis de renoncer aux représailles jusqu’à ce que les Allemands aient recommencé un raid sur Paris, pour ne pas leur fournir de prétexte. Il prépare cependant deux avions destinés, en cas de représailles nécessaires, à entreprendre un raid sur Berlin.

Briand, venu spontanément, est plus séduisant, mais aussi plus imaginatif et plus déformateur des réalités que jamais. Il est convaincu que c’est lui qui a engagé l’affaire Bolo. Il oublie le dossier Bénazet, qu’il avait conservé et fait disparaître de la Chancellerie. Il oublie les résistances qu’il m’a opposées lorsque j’ai réclamé des poursuites. Je lui rappelle discrètement la vérité. Il me répond : « Oui, oui, c’est ce que je disais dans les couloirs lorsqu’on vous accusait d’avoir protégé Bolo. »