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L’UKRAINE SIGNE LA PAIX

de sa finesse et de sa bonhomie). Discours d’Adolphe Carnot, lu par Mathiot, avocat à la cour.


Dimanche 10 février.

Pichon, que j’ai prié de venir causer avec moi de la grave situation créée par la paix ukrainienne, se plaint des « influences personnelles » qui s’exercent sur Clemenceau ; il trouve déplorable que Beau ait été remplacé par Dutasta et que le Tigre médite encore d’autres changements ; mais il ne songe pas à résister lui-même contre les volontés sacrées de son chef. Il est embarrassé ; il souffre ; il essaie de dominer ses émotions et elles le dévorent.

Je lui répète avec insistance que nous ne pouvons pas reconnaître la paix signée séparément par nos alliés et que nous devons protester. Il se range à mon avis.

Pichon m’a communiqué une lettre que l’impératrice Eugénie a remise aux Archives nationales et dont voici le texte :


Le roi de Prusse à l’impératrice Eugénie.
26 octobre 1870.
« Madame,

« J’ai reçu la lettre que Votre Majesté a bien voulu m’adresser et qui a évoqué des souvenirs du passé que je ne puis me rappeler sans regret.

« Personne plus que moi ne déplore le sang versé dans cette guerre qui, Votre Majesté le sait bien, n’a pas été provoquée par moi.

« Depuis le commencement des hostilités, ma préoccupation constante a été de ne rien négliger pour rendre à l’Europe les bienfaits de la paix, si le moyen m’en était offert par la France. L’entente aurait été facile tant que l’empereur Napoléon s’était cru autorisé à traiter et mon