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LA VICTOIRE

Wilson pour que celui-ci ne fasse pas un jour ou l’autre une manifestation toute personnelle et peut-être imprudente.

Lavisse ne croit pas que Bourgeois ait de grandes chances à l’Académie. Il regrette, comme moi, Hervieu qui voyait clair dans toutes les intrigues et les déjouait avec tant de grâce et de finesse.

Dubost, qui, décidément, devient très pessimiste, est de plus en plus hostile à Clemenceau. Il m’apporte encore une lettre, cette fois très vague, de Micheler et une lettre du préfet de l’Isère qui exprime de vives inquiétudes au sujet du ravitaillement et des grèves. Il redoute des mouvements ouvriers pacifistes et révolutionnaires, notamment à Vienne.

Dubost tient de Lagarde, représentant de la Marine à Berne, que la nomination de Dutasta a produit en Suisse le plus détestable effet. Dutasta serait intéressé dans une fabrique suisse de produits de lait concentré, fournisseur à la fois des armées françaises et allemandes. Un dossier relatif à Dutasta aurait disparu de l’ambassade de France à Berne depuis quelques jours. Dubost est convaincu, d’après les renseignements rapportés de Suisse par Lagarde, que les Bolcheviks sont d’accord avec les Allemands et jouent la comédie pour cacher cet accord.

Le général Fayolle, revenant d’Italie, croit qu’on pourra y attaquer à la fonte des neiges. Il a préparé des plans d’attaques par la montagne, notamment sur le Trentin. Il pense que pour réussir, il sera nécessaire de laisser au moins trois divisions françaises et trois anglaises comme stimulants. Les Italiens fréquentent maintenant d’assez bonne grâce les écoles mixtes d’instruction. Mais il faudrait qu’avant l’offensive générale, on fît en commun certaines opérations de détail sous le commandement français et c’est ce à quoi le