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CLEMENCEAU ET WILSON

la Société des Nations, me dit-il, nous verrons plus tard. Même avec nos alliés, nous ne pourrions aujourd’hui établir cette société. Voyez ce que les Italiens nous font en Épire. — Sans doute, il y aura des difficultés, dis-je, mais l’œuvre est belle et Léon Bourgeois a étudié tout un plan. Et puis, si nous ne faisons rien, ne redoutez-vous pas une initiative isolée, peut-être maladroite, de Wilson ? — Après sa sortie récente, répond Clemenceau, il faut le remettre d’abord à sa place. — Faites attention, ne le blessez pas. — Ses manières sont intolérables. »


Samedi 23 février.

Hier, à la Chambre, sur la fixation d’une interpellation qu’Émile Constant a déposée au sujet de l’affaire Bolo, Clemenceau avait communiqué à la Commission de l’armée tous les dossiers administratifs de la guerre et du Quai d’Orsay. D’où renvoi à huitaine. Painlevé n’a pas moins profité de l’occasion pour se justifier et répondre à l’Action française et aux autres journaux qui ont fait campagne contre lui. Il a rappelé avec raison que c’était sous son ministère qu’avaient eu lieu la plupart des instructions et des arrestations.

Ce matin, à six heures, est mort à l’hôpital militaire de la rue de la Chaise, le pauvre Eugène Tros, notre filleul, garçon charmant, enseigne de vaisseau, d’un beau courage patriotique, blessé dans le torpillage du Renaudin puis rescapé à demi aveugle et les jambes très endommagées. Il avait courageusement repris du service. On l’a soigné pour une appendicite et une bronchite, qu’il avait contractée en mer, est devenue infectieuse. Dans son délire, le brave petit croyait à un attentat contre moi et voulait me défendre.

Ignace vient me voir à propos d’un décret dont j’ai signalé l’inopportunité à Clemenceau et qui