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BOMBARDEMENT DE PARIS

il m’a répondu : « Vous poussez les choses au tragique. — J’ai répliqué : « Allez dans les hôpitaux et vous verrez si les choses ne sont pas tragiques. » Et le ministre de l’Intérieur, qui devrait donner l’exemple du sang-froid, donne celui de la peur. »

Nous parlons ensuite des Anglais. Clemenceau est moins confiant qu’hier, mais il compte sur les réserves de Pétain.

À une heure, Herbillon, envoyé par Pétain, me dit que le général en chef l’a chargé de nous prévenir seuls, Clemenceau et moi, que la situation était non seulement sérieuse, mais grave ; les Anglais reculent beaucoup trop vite et le général Gough paraît avoir perdu la tête. Si l’avance ennemie n’est pas promptement enrayée, la route de Paris peut être menacée, Pétain a constitué une armée à Montdidier, mais elle ne peut être entièrement massée que dans deux jours. Les Allemands sont à Ham. Nous avons trois divisions françaises à Guiscard. Pétain doit aller voir Haig cet après-midi, le prier de retenir son armée et de ramener des réserves du Nord.

En un mot, voici les faits tels que je les connais pour le moment. Une défaite sensible nous a été infligée vers le point de jonction des armées britanniques et des armées françaises. Les Anglais ont été forcés de reculer sur la Somme. Les forces ennemies se sont avancées jusqu’à Ham. La dualité des commandements alliés n’est sans doute pas étrangère à cette malheureuse bataille.

D’autre part, le bombardement de Paris continue. À part une bombe, qui est tombée sur la terrasse des Tuileries, les points de chute paraissent groupés autour d’un même axe et Herbillon croit à un bombardement à longue portée. Les projectiles seraient maintenant des obus et non des bombes ; ce seraient des 240. Le gouvernement