Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/14

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publique que, par une heureuse coïncidence, les premiers magistrats de nos deux libres démocraties faisaient partie, l’un et l’autre, dans leurs pays respectifs, des plus grandes compagnies littéraires ou savantes. Je priai le sénateur de la Sarthe de remercier Mr Nicholas Murray Butler de sa pensée et de son invitation. J’étais bien tenté d’aller porter à l’Amérique, alors si lointaine, le salut de la France. Mais je n’osai promettre d’ajouter, dans l’année même, un nouveau voyage à une liste de déplacements déjà si longue et, bien à contre-cœur, je dus réserver ma réponse définitive.

Il restait, du reste, entendu, comme je l’avais promis à M. Dubost, Président du Sénat, qu’à mon retour des pays scandinaves, c’est-à-dire au mois d’août, j’accomplirais par la route des Alpes, en Provence, dans le Dauphiné et en Savoie, la tournée d’automobile qui devait faire pendant à ma belle randonnée du Limousin. C’était sous ces paisibles auspices et avec ces séduisantes promesses de vie nomade que s’ouvrait pour moi l’année 1914.

En attendant la réalisation de tous ces projets, M. Gaston Doumergue s’employait consciencieusement à purger les questions internationales des mauvais germes qu’elles continuaient de porter en elles. Il avait d’abord cherché à régler l’irritante question du commandement militaire à Constantinople. Il trouvait délicat d’intervenir, même discrètement, à Berlin. Dans une conversation privée avec M. Jules Cambon, M. de Jagow avait dit : « Si l’affaire prenait une tournure européenne, elle ne pourrait plus s’arranger. » Le secrétaire d’État avait tenu le même langage à l’ambassadeur d’Angleterre.