Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/15

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L’Allemagne, jalouse de sauvegarder avant tout son prestige impérial, paraissait donc résolue à ne pas céder, si la France et la Grande-Bretagne s’associaient ouvertement aux revendications russes.

Quoique fort impatient d’une solution, M. Sazonoff ne voulait pas s’en prendre à l’Allemagne. Il songeait à des moyens de pression sur la Turquie et à des compensations qu’il ne précisait guère. Pour le moment, il demandait qu’on infligeât à la Porte un boycottage financier. Or, le 11 septembre 1913, Mehmet Djavid Bey, de passage à Paris, avait signé avec M. Stephen Pichon, ministre des Affaires étrangères, des accords qui ne nous laissaient plus toute liberté. Le gouvernement français s’était engagé à favoriser, dans toute la mesure où le permettrait la situation du marché parisien, la conclusion d’un emprunt ottoman de liquidation. Il avait, en outre, promis d’apporter à la Turquie son concours amical pour le relèvement économique et financier de l’Empire. En retour, il avait obtenu des avantages appréciables pour les établissements français de bienfaisance et d’enseignement, ainsi que des concessions de ports et de chemins de fer en Asie Mineure. La Russie, l’Angleterre, l’Allemagne, avaient passé avec la Porte, après les guerres balkaniques, des arrangements analogues. MM. Doumergue et Caillaux auraient naturellement désiré que le nôtre fût exécuté sans trop de retard. Mais la Russie était si alarmée par la malheureuse affaire du commandement qu’elle était prête, disait-elle, à renoncer aux bénéfices de son propre accord avec la Turquie, si la France et l’Angleterre en faisaient autant et consentaient à exercer avec elle une