Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/22

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obtenu en échange de notre abandon ? Des compensations dont il est difficile de dire la vraie valeur. Quel gré nous en savez-vous ? Et aujourd’hui, alors que nous poursuivons en Asie Mineure, et depuis de longues années, un grand dessein et une grande œuvre… — Mais, personne, fit M. Jules Cambon, ne dispute à l’Allemagne le fruit de son entreprise. Veuillez seulement jeter les yeux sur une carte. Vous verrez que, tandis que l’Allemagne s’assure économiquement la presque totalité de ces régions, elle nous marchande quelques kilomètres de chemins de fer en Syrie. » Le chancelier répéta que l’Allemagne avait besoin d’expansion et que, si elle était comprimée en Asie, ce ne serait pas seulement là qu’on se heurterait à elle, mais ailleurs. « Croyez-moi, conclut-il. Rendons-nous compte des faits et écartons ce qui nous divise. Sinon, ce serait dangereux. » En terminant la dépêche qu’il adressait à M. Gaston Dou-mergue, M. Jules Cambon remarquait que cette conversation lui avait rappelé par sa gravité celle qu’il avait eue avec le chancelier à propos du Maroc au commencement de 1911. « Il importe donc, disait-il, d’en tenir le plus grand compte. » Allions-nous donc avoir maintenant, dans la Méditerranée orientale, un nouvel Agadir ?

Quelques jours plus tard, le 5 février, à la quatorzième réunion des délégués, l’Empereur lui-même venait jeter son épée dans la balance : « Arrangez-vous et surtout sans délai », déclarait-il d’un ton péremptoire, en s’adressant aux délégués français. On s’arrangea et, bien entendu, ce fut encore la France qui supporta, pour la plus large part, les frais de la transaction. On admit que son réseau irait jusqu’à Bolou et que la gare de