Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/23

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Siwas lui appartiendrait. On lui laissa la vallée de l’Oronte et la route de l’Oronte à Alep. Mais l’Allemagne se réserva, bien entendu, le morceau du lion, sauf à prétendre encore, comme après le traité du 4 novembre 1911, qu’elle nous avait fait des sacrifices. La vérité est que, dans une contrée où nous avions partout des intérêts séculaires et où l’influence allemande ne datait que de quelques années, nous consentions, de bonne grâce, à de larges concessions, que justifiait notre souci de la paix, mais qui avaient pour effet de limiter, dans la Turquie d’Asie, à une étroite zone côtière notre action économique et morale.

Parmi les délégués allemands, M. Arthur de Gwinner, directeur de la Deutsche Bank, qui se flatte aujourd’hui d’avoir été, avant la guerre, un pacifiste notoire, comme Ballin et Rathenau9, avait été l’un des plus durs et des plus intraitables. Il avait laissé à M. Helfferich la charge de suivre une grande partie de la discussion, mais chaque fois qu’il était intervenu personnellement (séances du 15 novembre 1913, 18 nov., 22 nov., 8 déc, etc.), il avait âprement soutenu, en même temps que les intérêts actuels de l’Allemagne en Asie Mineure, les prétentions dont le succès devait assurer dans l’avenir la suprématie orientale de l’Empire germanique. Sans doute avait-il déjà devant les yeux la vision de ces cartes colossales qui ont été affichées au commencement de la guerre dans les gares allemandes et qui, d’Anvers à Bagdad, marquaient d’un long trait bleu la route des prochaines conquêtes impériales. Le début des hostilités semble, il est vrai,