Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/28

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Crète, de la Crète à Ithaque, et je crois avoir devant moi le divin Ulysse, en personne, άνδρχ πολύτροπον.


Quelques jours après, le 19, M. Venizelos, qui a retardé son départ pour Londres, vient .déjeuner à l’Élysée avec M. Gaston Doumergue. Il demande au gouvernement français de faire régler le plus vite possible par les puissances le sort des îles litigieuses et de hâter la notification à la Sublime Porte de l’accord européen. Il insiste aussi pour l’admission d’un emprunt grec à la Bourse de Paris. Les États balkaniques victorieux et la Turquie vaincue sollicitent de nous les mêmes faveurs.

Heureux temps où la France était, grâce à l’abondance de ses capitaux, le banquier prédestiné du monde entier ! Ce privilège donnait incontestablement une grande force à notre action diplomatique. Mais, au commencement de 1914, les Chambres ne voyaient pas sans quelque appréhension ce débordement d’emprunts étrangers submerger notre marché, pendant qu’était retardé le projet d’emprunt français, précédemment déposé par M. Charles Dumont, ministre des Finances du cabinet Barthou, et destiné en partie à dégager la trésorerie, en partie à couvrir des dépenses de sécurité nationale, notamment celles du matériel d’artillerie lourde. Au cours d’une visite de nouvel an qu’il m’avait aimablement faite le 4 janvier, M. de Freycinet, qui conservait, malgré son grand âge, toute sa vivacité d’intelligence, m’avait exprimé l’inquiétude que lui causait cet ajournement. Il m’avait dit qu’en présence d’une situation internationale très obscure, il jugeait dangereux de ne pas alléger immédiatement les charges du Trésor. J’étais de son avis et j’avais