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Mercredi 14 janvier

M. Perchot, sénateur radical, vient médire qu’il serait désirable d’arrêter la campagne de M. Calmette. Elle irrite profondément les amis de M. Caillaux. Certains d’entre eux, paraît-il, ont la perfidie de m’en attribuer l’inspiration. Je réponds à M. Perchot que de tels soupçons ne m’atteignent pas. Ils ne déshonorent que les hommes qui sont capables de les concevoir ou de les propager. Certes, j’arrêterais volontiers la campagne, si j’en avais le moyen ; mais comment M. Calmette, que je savais très jaloux de son indépendance, accueillerait-il mon intervention ? Et quelle efficacité aurait-elle ?

Peu après, M. Caillaux arrive lui-même à l’Élysée et je ne sais pourquoi il me rappelle aujourd’hui le mot de Richelieu : « Les plus grands esprits sont plus dangereux qu’utiles au maniement des affaires. S’ils n’ont beaucoup plus de plomb que de vif-argent, ils ne valent rien pour l’État. » — « Je ne vous dérangerais pas, me dit le ministre des Finances, s’il ne s’agissait d’une question très grave. Je viens d’être avisé que le Figaro est sur le point de publier les déchiffrements des télégrammes allemands de 1911, ceux dans lesquels M. de Lancken rend compte à Berlin des conversations qu’il a eues avec M. Fondère. Par cette publication, M. Calmette risque de provoquer les plus fâcheuses complications internationales. Si elle a lieu, il va sans dire que le gouvernement, pour dégager sa responsabilité, sera obligé de déclarer que les pièces sont fausses et de poursuivre le journal. » — « Il est certain, remarqué-je, que la divulgation de ces déchiffrements serait chose très regrettable et peut-être très périlleuse. Mais il me paraît bien difficile de faire venir