Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/46

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C’est une question d’ordre purement militaire qui nous a mis dans l’obligation d’occuper une partie de la Lorraine française. Nous n’avons pris Metz qu’à notre corps défendant, pour assurer la paix dans l’avenir. Si la France voulait renoncer à faire, à propos de l’Alsace-Lorraine, une politique de sentiment, le rapprochement entre nous serait facile. Le bonheur et la prospérité de l’Alsace-Lorraine seraient la conséquence immédiate de ce rapprochement. Pour obtenir cela de vous, nous serions prêts à vous faire de grandes concessions : vous avez fondé dans l’Afrique du Nord un immense Empire ; vous avez pris le Maroc ; développez ce riche et magnifique pays ; nous vous l’abandonnons complètement, sans restriction ; faites-y ce que vous voudrez ; en échange, renoncez à une politique de sentiment au sujet de l’Alsace-Lorraine. Si la France, au lieu de mettre sa foi dans l’amitié anglaise, qui ne saurait être sincère, consentait à oublier le passé et nous tendait la main, la paix du monde serait assurée et un magnifique avenir s’ouvrirait pour nos deux pays. L’alliance franco-anglaise est un contresens. L’Angleterre est la plus égoïste des nations ; elle ne songe qu’à ses propres intérêts et ne tient jamais ses engagements envers ses alliés ou ses amis. À l’heure critique, elle vous lâchera. L’ambition démesurée des Anglais entraînera un jour pour vous et pour nous une catastrophe dont ils tâcheront de bénéficier. » À ce moment, ma femme a interrompu le secrétaire d’État, pour lui dire : « Mais, Excellence, vous parlez comme si un grand danger menaçait. Qui songe à déchaîner une guerre ? » — « Ce n’est pas nous, a répliqué l’amiral de Tirpitz. Jamais nous ne vous déclarerons la guerre. Je ne crois pas non