Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/84

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Le Conseil des ministres a été, sur la demande de M. Doumergue, renvoyé à lundi. Mais, dans la matinée, M. Caillaux, après m’avoir annoncé sa visite par téléphone, arrive à mon cabinet, le visage cramoisi et le geste saccadé. À la suite des articles de M. Calmette, il y a eu hier comme on pouvait s’y attendre, un incident sur l’affaire Rochette à la Chambre des députés. Le scrutin a donné la majorité au gouvernement, mais la discussion doit, dit-on, recommencer mardi. Suivant un mot de ce cardinal de Retz, dont M. Caillaux est un grand admirateur, le ministre des Finances a, ce matin, l’air d’un homme « qui se sent touché à la prunelle de l’œil ». M. Calmette ne désarme point. Il a publié hier une ancienne lettre privée dans laquelle M. Caillaux se flattait d’avoir écrasé l’impôt sur le revenu en feignant de le soutenir. M. Caillaux a répliqué par une note Havas, que M. Calmette commente ce matin, tout en revenant sur l’affaire Rochette. C’est décidément une campagne impitoyable, que la politique ne me paraît pas suffire à expliquer et qui contraste de plus en plus avec le genre auquel le directeur du Figaro a accoutumé ses lecteurs.

« Ce n’est pas tout, me dit M. Caillaux. Je sais de source sûre que M. Calmette veut maintenant publier une note qu’a autrefois rédigée pour sa justification M. Fabre, procureur général à la Cour de Paris. Ce magistrat prétend qu’en 1911 mon gouvernement lui a imposé la remise de l’affaire Rochette et qu’il a, ce jour-là, subi la plus grande humiliation de sa vie. Vous voyez comme on cherche à me traquer. Mais je suis en mesure de me défendre et je me défendrai. M. Fabre m’a dit lui-même, à deux reprises, des choses qui contredisent cette