Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/88

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la vérité de ces observations. Je consens à faire revenir M. Barthou l’après-midi et à convoquer aussi M. Briand, à la condition toutefois que M. Gaston Doumergue assiste à l’entretien. Il en est ainsi décidé.

Au moment où M. Doumergue se lève pour quitter mon cabinet, M. Caillaux s’excuse auprès du Président du Conseil d’avoir un mot à me dire en particulier. M. Doumergue sort et, resté seul avec moi, M. Caillaux, très ému, reprend : « Il y a autre chose de plus grave, monsieur le Président. J’ai été informé que M. Calmette veut publier, demain ou après, d’autres lettres privées qui lui ont été livrées. Jamais aucun homme politique n’a été poursuivi comme moi. Je ne puis accepter une aussi horrible épreuve. Si ces lettres sont publiées, je n’aurai d’autre ressource que d’aller tuer M. Calmette. — Mais, demandé-je, qui vous a donné ce renseignement ? Calmette a déjà dépassé les bornes d’une polémique permise en publiant la première lettre privée, où vous parliez de l’impôt sur le revenu. Mais, à l’extrême rigueur, le caractère politique de cette phrase expliquait, si elle ne justifiait pas, la publication. Il n’est pas possible que d’autres lettres intimes soient divulguées. Je crois M. Calmette incapable d’attaques de ce genre. En tout cas, il y a des moyens de l’arrêter. Me Maurice Bernard n’a-t-il pas été votre avocat ? Vous feriez bien de le voir. Moi-même, si vous le désirez, je puis lui parler dès aujourd’hui. Je sais qu’il connaît M. Calmette. Il ne refusera pas, sans doute, de causer avec lui. »

Quelques minutes plus tard, se tient le Conseil des ministres. M. Caillaux y fait preuve d’un sang-froid et d’une impassibilité qui contrastent avec