Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/123

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Visite de M. Quinonès de Leon. Il revient d’Espagne et m’apporte, de la part de S. M. Alphonse XIII, les plus chaudes assurances de sympathie pour la France. Le roi l’a chargé de me dire que, le moment venu, il serait prêt à jouer entre les belligérants le rôle de médiateur, mais qu’il ne nous fera aucune proposition qui soit de nature à nous gêner et qu’avant d’agir il attendra sans impatience une demande du gouvernement français. Je prie l’obligeant M. Quinonès, que je sais le plus sûr confident de son souverain, de le remercier vivement de ma part, et j’ajoute que nos alliés et nous, nous entendons pousser jusqu’à la victoire la guerre qui nous a été imposée. Pour cesser de combattre, il est maintenant trop tard ou trop tôt.

Voici venir également l’aimable ministre de Grèce, M. Romanos, dont les grandes prunelles de jais trahissent aujourd’hui une secrète émotion. Il y a une quinzaine de jours, me dit-il, le roi Constantin a fait savoir à Guillaume II que, si la Bulgarie se déclarait contre la Serbie, la Grèce serait obligée par son traité avec cette dernière de la soutenir militairement. Bien que sachant la Grèce liée par des engagements explicites, le kaiser n’a pas voulu admettre qu’elle songeât à les tenir et il s’est montré fort irrité de la communication qu’il recevait. De son côté, le roi Constantin n’a pas laissé que d’éprouver un certain mécontentement de l’accueil fait à sa démarche. Les deux beaux-frères sont en froid. M. Romanos a visiblement quelque plaisir à m’en informer. Il croit, du reste, qu’il serait difficile au roi de prendre parti contre le sentiment général des Hellènes.

La journée ne s’achève pas sans que M. Sazonoff enfante un nouveau projet. Il voudrait maintenant